top of page

Our Recent Posts

Archive

Tags

L'embarras du Yang

  • Ayah CHOUKRI
  • Jan 28, 2020
  • 4 min read

Au levant, le 阳 entonne sa clameur céleste

Couvrant de tendresse les eaux calmes de l'Est.

Que de vaines pensées n'ai-je pas adressé

A ces sols par l'Histoire si souvent délaissés

Que d'étoiles dans mes cieux n'ont pas constellé

En me figurant la brise agiter ton blé,

Douce Chine. Le mythe de ta survivance

Pour une plume gloutonne a été la semence

D'une quiétude nouvelle dont je m'armerai

Quand me prendra dans ses rogues marais

Mais Chine, ma cruelle, ton usage de faux

A en moi cultivé d'indignation ce qu'il faut

Pour rassembler la force d'âme nécessaire

A la vague de reproches que j'ai à te faire.

Cultes et cultures, nature et exploits futurs :

Tant de trésors cachés par-delà ton haut Mur,

Tant de secrets, aussi, que tu espères terrer

Dans cet abîme où tu n'as que trop longtemps erré.

Par un piètre jet d'encre, je viens m'enquérir

Du croissant de lune que tu fais dépérir

Derrière les barreaux de ton infamie -

Ne crains-tu pas le grief de ces familles ?

Ton sabre pointe vers un ennemi invisible

Car la terreur n'a ni nom, ni Coran, ni Bible

Naît à l'abri des regards, dans les cœurs meurtris

Entre deux ruisseaux de sang gorgés de folie ;

Car si de par le monde affluent des soldats

Pour pourvoir à l'Innocent le baiser de Judas

Au nom du droit des uns à disposer des autres

Tu ne le peux donner, car il est l'un des vôtres.

Tu ne le peux donner, toi. Je me plais à croire

Que ton acuité placée devant un miroir

Te rendra la grandeur qui effarée se dérobe

Devant l'horreur cachée sous les pans de ta robe.

Chine, tu n'as plus le temps d'expier tes pêchés ;

Chine, quitte cette enveloppe desséchée.

L'éternel retour a su braver ta muraille -

Un dragon porte le crime sur ses écailles

La mémoire des Hommes toute entière git

Sur un tas d’ossements, et son corps est rougi

D’un sang innocent - certes, je te l’accorde ;

Mais quand bien même toutes ces viles cordes

Au cou d'hommes de foi aient été passées

Ne crois-tu pas que le monde en a assez ?

Chine, permets-leur de t'admirer toujours

De se laisser porter par tes draps de velours

Traverser le rideau qu'incarne l'horizon

Te rejoindre et te chérir au gré des saisons

Prendre le large, larguer la vie sur le port

N'être que la rumeur du Kuroshio d'abord

Suivre sa fraîcheur contre vents et marées ;

Sur les rives du Pacifique, laisser mes rêves amarrer ;

Dans ma quête d’équilibre, me faire orchidée

Une heimatlos dont la patrie est au ciel des idées.

Au couchant, le 阳 entonne un chant expirant

Les cœurs se font pierres et les larmes torrents ;

Vois comme elles accablent ton blé qui s’affole -

Au profit de bassesses, ta beauté s’étiole !

Aujourd’hui, c’est toute une culture qui est au bord du précipice. Un bandeau lui couvre la vue tandis qu’elle s’efforce naïvement de répondre à l’appel de la modernité, niant parfois les précieux enseignements détenus par son héritage glorieux pour parvenir à ses fins. Aujourd’hui, c’est la mémoire chinoise qui court le risque de ne plus pouvoir se regarder dans la glace sans lire la honte sur ses traits défigurés par le crime. C’est cela, cette sensibilité terrée en chaque peuple, que ce poème s’efforce de toucher, en s’armant d’un ton flatteur mais pas moins sincère, et en dépeignant la réalité telle que, le plus souvent, elle se présente à nous : ni tout à fait blanche, ni tout à fait noire. Ainsi, la situation en Chine, si elle est ici farouchement condamnée, n’efface pas pour autant les siècles de gloire que le pays du milieu a connu, qu’on lui reconnaît, et qui en fait aux yeux du monde un témoin privilégié de l’Histoire.

Aujourd’hui, alors que les médias daignent enfin lever le bout de leur nez, tentent de percer à jour le mystère, qui n'en est encore un que pour les idiots, des camps d'internement de Xinjiang où sont incarcérés plus d'un million de Ouïghours, une minorité chinoise de confession musulmane, depuis des années, pour seul motif de leur croyance et de leur foi ; alors que les peuples s’interrogent, s’insurgent, que la communauté internationale rougit quelques peu de sa passivité, à défaut de prendre les armes, il s’agit de prendre la parole - ou la plume. Ce jet d’encre, dont le ton oscille entre l'amertume et la sincérité, n'atteindra sans doute personne, mais il vaut ce qu’il vaut. Puisse le destinataire de ces quelques vers apprendre que l’Histoire n’épargne personne, frappe du glaive de sa cruauté toutes les contrées. Puisse-t-il ainsi reconnaître le cheval de Troie qu’est l’hubris avant qu’il ne lui porte le coup fatal. D’une seule voix, souhaitons-lui de réchapper à la honte qui accable et accablera son peuple pour les siècles à venir comme ce fut le cas de l’Europe, de la Turquie, quelques décennies auparavant, comme c’est aujourd’hui le cas de la Birmanie, d’Israël, de l’Arabie Saoudite, et j'en passe, avec toutes les violations des droits de l'Homme et du droit international qu'ils commettent au nom "du droit des uns à disposer des autres". Puisse-t'ils tous entendre raison avant que les cœurs ne privent définitivement ce pays de leur pardon et se cristallisent à jamais sur les plaies que l’infamie de son gouvernement leur aura infligé.

- Ayah CHOUKRI.

 
 
 

Comments


L'OEIL: Opinions et Expressions Innovantes des Lycéens

  • facebook

Lyon, France

@2020 par la présidente de l'OEIL

bottom of page