"Vivez vos vies à fond"*
- Quitterie Magnard
- May 10, 2017
- 3 min read
*Cette phrase apparaît dans l’essai Sur les origines d’une génération de Jack Kerouac.

La Beat Generation, plus qu’un simple mouvement littéraire et artistique, est un véritable mode de vie, un état d’esprit qu’adoptèrent de nombreux Américains (Etats-Unis) dans les années 1950 et 1960. Les écrivains américains Jack Kerouac, William Burroughs et Allen Ginsberg, tous 3 compagnons de débauche, furent à la fois les fondateurs et les principales figures de ce mouvement dont les membres étaient appelés beats. En particulier Kerouac, qui est devenu malgré lui le porte-parole et la principale icône de la génération. C’est lui en effet qui, pour désigner le mode de vie de certains de ses contemporains, inventa l’expression Beat Generation à laquelle beaucoup d’Américains se sont identifiés.
Le mot beat a plusieurs significations pour Kerouac : il renvoie aux mots cassés, fauchés, tristes, à la dérive, mais également à l’idée de tempo, de rythme en raison de l’importance du jazz bop pour cette génération « perdue » avide de vie et de liberté. Plus généralement, beat désigne les hommes marginaux, pas bien à leur place dans la société capitaliste américaine des années 1950-1960.
Les thèmes de prédilection de la Beat Generation (de Kerouac, Ginsberg et Burroughs et par extension de tous les autres beats) sont nombreux et tous plus ou moins liés :
-la littérature : les écrivains beats ont écrit beaucoup de livres et de poèmes en liens avec le mouvement, et se sont beaucoup inspirés du transcendantalisme et dans une moindre mesure du poète William Blake et des poètes maudits (entre autres).
-le jazz bop (ou bebop): un genre qui a révolutionné le jazz et qui pouvait rendre les beats complètement extatiques et délirants. Voici quelques noms de grands jazzmans de bop de l’époque pour les intéressés: Charlie Parker (le créateur du genre, surnommé Bird), Ornette Coleman, Donald Cherry, Thelonious Monk, Dizzie Gillespie,…

-le voyage, la route, l’errance
-la débauche, l’alcool, la drogue (marijuana, benzédrine,…), le sexe, le délire poétique
-le bouddhisme, le zen, la recherche du sens de l’existence, le refus des conventions sociales…
« Beat Generation » est devenu le slogan ou le label d’une révolution des mœurs en Amérique » (Sur les origines d’une génération, Kerouac). Le mode de vie anticonformiste des beats fut en effet pour eux une façon de se révolter, de manifester leur opposition face à la société de consommation américaine des années 1950 et 1960 qu’ils trouvaient absurde. Cela ajouté à la libération sexuelle des beats (certains d’entre eux étaient par exemple homosexuels et n’avaient pas peur de l’afficher, ce qui a scandalisé l’Amérique puritaine de l’époque), a beaucoup inspiré le mouvement gay et le mouvement hippie. Ce dernier n’aurait à coup sûr pas connu l’ampleur qu’il a eue sans la Beat Generation.
Outre les artistes hippies, la Beat Generation a fortement influencé l’écriture de Bob Dylan (Allen Ginsberg, son ami, apparaît même dans le clip de sa chanson Subterranean Homesick Blues), mais aussi celle de Tom Waits et de Jim Morrison, le célèbre chanteur des Doors qui possédait beaucoup de traits communs avec les beats). Les Beatles se sont également inspirés du mouvement dans plusieurs de leurs albums, en particulier Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band et Revolver et dans le choix de leur nom même (même si ce n’est toutefois pas le seul motif qui les ait poussés à adopter ce nom singulier : Beatles = « les scarabées » en français).
Au cinéma également, la Beat Generation a été une grande source d’inspiration, comme par exemple pour les films La Fureur de vivre (1955) ou les road movies Easy Rider (1969), Into The Wild (2007) ou Sur la route (2012), un film bien joué et distrayant certes, mais décevant pour tous les grands admirateurs de Kerouac qui ont pu constater comme moi que ce film ne respectait pas du tout l’esprit du roman dont il est adapté.
Quelques écrits d’écrivains beats que vous pouvez lire si la Beat Generation vous intéresse :
-Sur la route de Jack Kerouac (1957) : LE chef d’œuvre et manifeste de la littérature beat qui concentre tous les thèmes de prédilection des beats (très subjectivement, ce livre est vraiment, vraiment à lire !!!). Du même auteur : Sur les origines d’une génération (un essai plus théorique sur la Beat Generation), Les Souterrains, Les clochards célestes,…
-Howl (1956): un célèbre poème d’Allen Ginsberg à la fois lyrique, halluciné et obscène. C’est un texte très noir et torturé, comme beaucoup d’écrits des écrivains beats.
J’invite tous ceux qui auraient été intéressés par cet article à se documenter aussi par eux-mêmes sur ce vaste sujet qu’est la Beat Generation, et surtout à lire des romans d’écrivains beats !!
Quitterie Magnard
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