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POEME - Tranches de vie

  • Keran PONCHARD--de Roubin
  • Jul 20, 2020
  • 2 min read

23 octobre 1916, Verdun

Ma bien-aimée,

Tu ne peux te figurer comme tu me manques, J’ai l’impression d’être parti depuis toujours. Ma vie s’écoule au rythme des nombreuses planques Où je meurs et suffoque comme dans un four.

Quand enfin j’ai quelques minutes de repos L’Enfer au galop me rattrape et me harcèle. La tranchée est un intestin aux grands boyaux Qui mange tous les hommes qu’ils soient forts ou frêles.

En Février je suis arrivé à Verdun, Mais j’ai l’étrange impression que des années passent. À seulement vingt ans je suis déjà défunt : Ma jeunesse fond parmi les corps qui s’amassent.

J’essaie de penser à toi et à ton amour, Tes beaux yeux absents m’apportent un peu de calme, Mais bien vite aux atours succèdent les vautours Dont les becs victorieux portent les bras en palmes.

Heureusement pour préserver un peu les hommes, On ne nous laisse pas plus de cinq jours devant. Je peux être tranquille, manger une pomme, Et enfin me laver et le corps et les dents.

Cependant, la vie à la tranchée de l’arrière, Est surtout proche de la mort, omniprésente. Ici, les gueules cassées, blessés de la guerre Font la cour des miracles la plus dérangeante.

Mais cela fait cinq jours, je dois y retourner. Nous nous engageons dans ces boyaux infernaux, Qui semblent nous accueillir au front dévasté. Condamné, je ne pouvais scier mes barreaux.

Partout, les balles sifflaient, les obus volaient, Les allemands nous tuaient et nous les tuions. J’attaquais, me reposais, mes amis mourraient. Tous vivaient, mourraient, dans les mêmes conditions.

On nous assurait d’une victoire certaine, Moi je pense que personne ne gagnera. Tout le monde mourra dans le sang et la haine, Boches, Français seront cadavres pour les rats.

Je t’écris, et c’est mon unique activité. Je n’ai plus envie de jouer à la manille Et tout ce que je pouvais, je l’ai bricolé. Je m’ennuie tellement sans toi et ma famille.

Juin mille neuf cent quatorze, je me souviens, On parlait de l’attentat de Sarajevo. On croyait cela loin sans ne deviner rien Sans imaginer l’Europe au fond du caveau.

Il y a deux ans, combattant près de la Marne, Je compris que jamais je ne te reverrai. Mais j’essaie de garder espoir et je m’acharne, Compte sur le fait que toujours je t’aimerai.

Guillaume Caillet

3 novembre 1916, Verdun

Madame,

Je vous écris cette lettre pour m’excuser : Vous ne recevez celle de votre mari, Que seulement maintenant que vous la lisez. Je suis désolé pour vous, car il a péri.

Il est mort le vingt-quatre octobre sans souffrir. La balle dans sa tête a eu raison de lui. Nous prenions le fort de Douaumont qu’il y eût un tir, Et il s’écroula dans mes bras sans aucun bruit.

Je suis navré et le regrette je l’avoue Guillaume fut un compagnon et un ami. Sachez que toujours il ne parlait que de vous.

Il disait de vous que vous êtes formidable. Je vous souhaite de mener une belle vie, D’être aussi forte que lui était admirable.

Adieu, Paul Delauzet

 
 
 

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