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Cultiver le « je », la face cachée du « moi »

  • Ayah Choukri
  • Nov 19, 2018
  • 7 min read

Ayah Choukri

PARTIE II - Le « moi en surface », du concept à la réalité.


Aux origines du « moi en surface »


Le « moi en surface » est un terme bien compliqué. Il te paraît maladroit ? Tu m’en vois navrée. Je m’empresse de me justifier. Ce terme, selon moi, désigne la perception que les autres ont de toi. Il faut, pour comprendre ce concept des plus abstraits, se placer dans un référentiel d’étude précis : le regard de l’autre. L’autre, comme cette personne plus ou moins proche de toi, à qui tu veux bien dévoiler certains aspects de ta personnalité, à qui tu tentes, par bribe, de raconter ton histoire.


L’autre, comme tous ces regards continuellement braqués sur toi, qui t’interrogent : que voient-ils ? que pensent-ils ? apprécient-ils ce qu’ils voient ? Mon Dieu, dit moi qu’ils ne me haïssent pas déjà. Toutes ces questions, auxquelles tu peines à apporter des réponses, définissent le « moi en surface », autrement dit, l’image que, volontairement ou non, tu renvoies. Parfois, cette image est fidèle à ce que tu es. « Quelle formidable ambassadrice ! t’exclames-tu avec satisfaction. Je n’aurais pas dit mieux. »


Mais parfois, cette même image est erronée ; et nous tenterons d’expliquer pourquoi. Le tumulte du quotidien nous empêche bien souvent de prendre du recul, d’avoir une vision plus large de la condition humaine et ainsi, de se poser les bonnes questions, de trouver des réponses. Tu seras d’accord avec moi pour dire que tout, ici-bas, va très vite. Tu prends une décision et la seconde d’après, la force des choses fait étalage des conséquences qui en découlent devant tes yeux ébahis.


Parfois, le hasard accepte de se montrer conciliant, et « à chaud », nos réactions sont celles que nous aurions eues s’il nous avait été donné de presser le bouton « pause », elles font ainsi écho à nos principes et à nos valeurs. Nous en sommes satisfaits, nous nous félicitons de notre justesse d’esprit, du sang-froid dont nous avons su faire preuve, de la victoire menée contre l’emportement. Mais il arrive aussi que l’émotion, née d’une pensée ponctuelle, nous submerge, et qu’à défaut de laisser la Raison se frayer un chemin jusqu’à nous, elle prenne le contrôle.


Ce phénomène prend différentes formes suivant l’individu chez lequel on l’observe ; on peut tenir des propos qui sonnent creux dans nos oreilles, avoir des réactions qui ne retranscrivent pas fidèlement la réalité de ce que l’on pense, ou on peut se retenir d’exprimer son opinion quand pourtant, rien ne nous l’interdit, de réagir devant une injustice. Cette retenue ne va pas forcément être comprise par tous, et va involontairement suggérer des attraits qui ne sont pas les tiens, et de cette façon contribuer à creuser un gouffre entre ce que les autres perçoivent de nous, et la vérité de ce que nous sommes. C’est alors seulement qu’on peut parler d’une division du « moi ». D’un côté on voit émerger le « moi en surface » de nulle-part, un « moi » sans foi ni loi en ce sens qu’il est aussi impulsif qu’un enfant de trois ans, un « moi » né du silence ou du mensonge, un « moi » qui, si l’on avait su rester nous-même à un moment donné n’aurait pas lieu d’exister, le « moi » du lycée, dans notre cas.


De l’autre côté subsiste le « moi en profondeur », cette personne et ces comportements que tu adoptes avec transparence lorsque tu es en compagnie de tes proches ou de ta solitude, lorsque tu es à l’aise, le « moi » véritable, à l’état pur, le « moi » qui tout-à-coup se voit reléguer la place de spectateur impuissant plongé dans l’obscurité, qui perd le contrôle ; ce « moi » que tu prends l’habitude de bâillonner par commodité, car trop singulier pour les autres et par conséquent, trop encombrant. Tout cela te parle, n’est-ce pas ? A cet âge où le regard des autres jouit encore d’une certaine emprise sur la majorité d’entre nous, je doute que tu ne te reconnaisses pas dans ce que j’avance. Au moins un peu.


Tout est une question de sensibilité ; plus tu ressens ton entourage proche, sa mouvance et ses tribulations, plus tu seras enclin à évaluer ton degré d’intégration dans celui-ci, et plus tu envisageras l’option de changer para caerte bien con los demàs - pour “bien t’entendre” avec les autres. (L’expression espagnole sonne mieux…) Prenons un exemple très simple, et qui est d’usage dans les collèges et les lycées. Cette année, tu découvres ton nouveau lycée. En rang devant ta nouvelle salle de classe, tu toises tous ces visages qui t’encerclent et sur lesquels tu pourras bientôt mettre des noms, tu entends toutes ces voix, et soudain réalises que rien de tout ça ne t’es familier ! Pas un regard, pas une expression, pas un timbre de voix. Tu prends peur, tu paniques ; l’appréhension te paralyse tout entier, l’envie de détaler comme une furie vers la sortie au risque de tout compromettre te saisit si fort que tu recules de quelques pas, blanc comme un linge – ou peut-être n’en laisses-tu rien paraître.


Il n’empêche que dans cet environnement où tout, jusqu’aux odeurs qui circulent entre les objets et les personnes, t’est étranger, tu ne parviens pas à canaliser tes émotions. Cette intimidation perdure quelques jours, et Dieu sait qu’il n’en faut pas plus aux événements les plus inattendus pour survenir ! Très rapidement, donc, les groupes se font. Tu fais une alliance avec une, deux, trois personnes qui t’ont paru sympathiques, et qui parviennent à apaiser quelque peu tes tourments. Il n’empêche que tu ne fais pas la loi, ici, et on ne tarde pas à te le faire comprendre, pas seulement à toi mais à tous les autres. Bientôt, le destin veut qu’on s’acharne sur quelqu’un. Tu as appréhendé ce moment, espéré de toutes tes forces que ce sort funeste ne serait pas le tien, et jackpot, tu as été entendu !


C’est sur le petit **** que la foudre, plus ou moins évidente, plus ou moins destructrice, s’abat. Tu assistes, impuissant, au premier acte de la tragédie qui d’année en année se répète au sein des établissements scolaires. Les remarques désobligeantes, les moqueries, les insultes, fusent, avec plus ou moins de récurrence. une chose en toi se débat, hurle à l’indignation, à l’injustice, à l’infamie, tente gifle sur gifle de te faire réagir, avec plus ou moins d’insistance selon la gravité de la situation. Tu sondes la réaction de tes amis, qui détournent le regard, embarrassés. Leur inaction t’interroge : pourquoi demeurent-ils cois ? Tu ignores encore que leur être tout entier est empreint à un grand désarroi, qu’ils font face à un dilemme et qu’en ceci, ils ne valent pas mieux que toi. Car toi non plus, tu ne bronches pas. Pendant que tu pèses le pour et le contre, le temps fait son oeuvre, les scènes s’enchaînent les unes après les autres, les raisons de brandir l’étendard de la justice et de crier haut et fort au déshonneur te filent d’entre les doigts comme de la fumée, puis finissent par dépasser le seuil du sous-nombre – après tout, si personne n’intervient, c’est qu’il vaut mieux rester en dehors de tout cela, non ? Et puis, tout compte fait, tu n’as pas envie de t’attirer des problèmes.


Il ne s’agit là que d’un comportement que suggère ton silence parmi d’autres. A partir de celui que je te soumets en guise d’exemple, je te laisse la liberté d’en dénombrer autant que tu le souhaites ; comme dirait Romain Gary, « La vie est pavée d’occasions perdues ».


Internet, l’engrais du « moi en surface ».


Et puis, il y a Facebook, Twitter, nos amis de toujours. Comment les oublier, ceux-là ? Comment ne pourrait-on pas les associer à ce dont nous parlons, en l’occurrence à la construction de soi et aux obstacles qui nous freinent dans ce processus ? Parfois, ils me font penser au miroir de Maléfique. La scène se passerait à peu près de cette façon : « Miroir magique, toi à qui j’insuffle la vie jour après jour à l’aide de mes publications et de mes stories, dis-moi qui a le meilleur profil ? – Mais c’est vous, mon Roi : la beauté de votre page n’a d’égale que la vôtre – il vous suffit de jeter un œil aux commentaires sous vos publications pour en attester. »


Ce dialogue à sens unique, conduit par la vanité humaine, ne t’est-il donc pas familier ? Pas même un minimum ? Dans ce cas, chapeau bas, je te félicite : Mark Zuckerberg n’a pas su venir à bout de toi. Tu peux dormir sur tes deux oreilles.Mais j’aimerais m’attarder sur un phénomène un travail de longue haleine qui monopolise toutes tes forces et ton attention. Tu crois bien faire, pourtant, tu crois que tous ces efforts finiront tôt ou tard par payer ; et en un sens, ils fonctionnent !


C’est vrai, quoi : un feed soigné, harmonieux et aesthetic ne t’assure-t-il pas un respect, l’estime de ces camarades qui ont encore tout à apprendre sur toi ? Aujourd’hui, il suffit que je passe sur ton profil pour prétendre te connaître, pour décider de t’apprécier ou de te mépriser, de t’estimer ou de t’ostraciser. C’est simple comme bonjour : si tu prends des selfies-patates, tu peux être certain que je te renierai aussi longtemps que l’occasion de te connaître « IRL » ne se sera pas présentée.


En revanche, en soignant tes photos, ton apparence, tu me renverras une bonne image de toi ; je l’attraperai au vol, la considérerai un moment, et la balance penchera d’un côté ou d’un autre. Il est évident que mon jugement sera évolutif ; dans un futur proche, tu décideras ou non de m’aider à le revoir, en te dévoilant. (le “je, bien entendu, ne me désigne pas)


Bien sûr, je n’oserais pas mettre tout le monde dans le même sac ; nous verrons avec les témoignages qui clôtureront cet article que beaucoup, heureusement, ne sont pas tombés dans ces filets assassins qui te retiennent prisonniers dans la spirale du mensonge, ou du moins, du détournement de la réalité. Nous verrons que les réseaux sociaux peuvent ou non aller dans le sens du développement personnel.


A suivre...

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