top of page

Our Recent Posts

Archive

Tags

Cultiver le « je », la face cachée du « moi ».

  • Ayah Choukri
  • Dec 5, 2018
  • 14 min read

Ayah Choukri

PARTIE III - Et vous ?


J’ai pris le temps d’interroger un large panel d’individus, des élèves comme toi et moi, au lycée que tous deux, nous fréquentons. La diversité de leurs témoignages est une vraie mine d’or, en ce sens qu’elle nous permet de mettre en évidence le caractère unique de chaque perception. De cette manière, il nous sera possible d’observer différentes manifestations de cette dualité à la fois évidente, méconnue et négligée.


Je leur ai d’abord chacun exposé l’objet de mon article, mes théories et mes hypothèses, puis leur ai posé une série de questions, tour à tour, et ai ensuite recueilli leurs réponses, que je m’apprête à partager avec toi. Je te demanderai simplement de garder en tête qu’il est difficile de répondre strictement et concrètement aux questions que j’ai soumis à mes interlocuteurs, tant les concepts qu’elles mettent sur la table sont abscons. Aussi, le point de vue de chacun est unique en ce sens que chacun possède un vécu, une histoire qui lui est propre, une face cachée du « moi » qui régit sa façon de penser. Par conséquent, toutes les opinions, strictement subjectives, sont à respecter.


Penses-tu que la dualité dont je t’ai parlé existe, et te retrouves-tu dans sa définition ?


Naëlla : Oui, tout à fait, je vois très bien que mon comportement quand je suis toute seule est différent de celui que j’adopte quand j’interagis avec les autres, et il arrive même qu’il change en fonction des personnes. De mon côté, ça se fait inconsciemment.


Xiana : Non. Je ne pense pas ressentir cette dualité, personnellement. Je pense être la même en toutes circonstances, que ce soit chez moi, au lycée, ou avec n’importe qui, je suis toujours la même.


Lisa : Il y a quelques trucs qui changent quand je suis toute seule. Il m’arrive de me sentir en désaccord avec moi-même, de temps en temps, de ne pas me reconnaître dans certaines situations. Bien que ça ne me pèse pas particulièrement, c’est assez récurrent.


Léopold : Il y a des moments où ça m’arrive, d’être différent de ce que je suis, avec les autres. J'adapte mes réponses en fonction de la personne qui est en face de moi. Dans les messages, aussi, ce n'est pas du tout ce que je dirais à une personne si elle était en face de moi.


Nicolas : J’estime que l’humain a toujours réagi et s’est toujours exprimé à travers différentes facettes de sa personnalité suivant les individus qu’il rencontre et les circonstances. Par exemple, on peut ne pas aimer quelqu’un, et ça ne nous oblige pas à le lui dire ; il y a un minimum de tact à avoir. Donc pour moi, c’est plutôt normal, naturel. C’est de la civilité.


Nicolas soulève un point très intéressant, en ce sens qu’il est important de le dissocier de ce dont on traite ici à savoir l’importance de rester soi-même en toutes circonstances, de réconcilier le « moi en surface » et le « moi en profondeur ». Ainsi, nous dit-il, la civilité serait indissociable du comportement qu’un être humain devrait avoir, que ce soit dans une République ou dans tout autre régime politique. Il m’apparaît important de définir, ici, ce qui caractérise la civilité, avant de passer à autre chose. La civilité, c’est la politesse vis-à-vis des autres, le respect de la courtoisie et des règles de bienséance en public. C’est quand, par exemple, tu cèdes la place à une personne âgée dans le métro – et ça va plus loin que ça, évidemment. Mais, attends voir, ne sommes-nous pas en train de nous éloigner du sujet ?


Tu seras sans doute d’accord pour dire que le respect de l’autre est essentiel au bon fonctionnement d’une société, simplement, là n’est pas le sujet. Il est ici question de développement personnel, de quelque chose qui te regarde toi, et personne d’autre, or le choix ne nous revient pas de respecter ou non nos interlocuteurs : ça t’est imposé, dans le bien commun. Là-dessus, les textes de loi sont catégoriques : « La liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence », article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme. J’ajouterai même « le droit des uns s’arrête là où celui des autres commence » à ma « déclaration fictive » ; ici, on parlerait d’un côté du droit à porter un jugement sur autrui, et de l’autre du droit au respect. Plutôt explicite, non ? Par conséquent, le civisme n’est pas quelque chose de discutable ; c’est un devoir de citoyen incontesté et sur lequel plus personne ne rechigne (ou presque).


Le « moi en surface », c’est à la fois la perception, parfois erronée, que les autres se font de ta personne suivant ce que tu veux bien leur en montrer, et les comportements spontanés et contradictoires suscités par une émotion soudaine, un manque de sang-froid, et qui façonnent ton image à ton insu. La civilité n’entrant dans aucune de ces catégories, nous l’exclurons, si tu veux bien, de cet article. Poursuivons.


Tu ne penses pas qu’agir différemment en société, c’est être infidèle à soi-même, en un sens ?


Naëlla : C’est une très bonne question. Je t’avoue que je me la suis posée en répondant à la précédente. Je pense que c’est… C’est difficile à dire, en fait. Je pense que dans tous les cas, je ne suis pas réellement moi-même en société, mais à quel point, je ne saurais pas le dire précisément. Tout dépend de mes interlocuteurs. Par exemple, mes réactions ne seront pas aussi naturelles que je voudrais qu’elles soient quand je suis face à un inconnu… Je vais avoir de la retenue, si on veut. Ce n'est pas de l’hypocrisie, à mon sens, mais celle que je deviens dans cette situation n’est pas vraiment… moi. Je ne dis pas que j’ai honte de montrer ma véritable personnalité à cette personne, mais j’ai simplement peur de « l’agresser » dès la première rencontre, de trop lui donner à apprendre sur ma personne au point qu’elle ait envie de s’enfuir, effrayée. Par contre, avec des amis proches, je ne vais pas me retenir. Dans ces cas-là, j’ai plus de facilité à être moi-même, parce qu’en général, je n’ai rien à leur prouver. Avec des étrangers, il faut que je réfléchisse à ce que je fais, que j’aille dans leur sens parfois. C’est pas vraiment que tu es infidèle à toi-même, c’est que tu as de la retenue dans ce que tu dis. Par exemple, quand il y a un truc qui me déplait, soit je le dis, soit je ne le dis juste pas. Je préfère ne pas le crier haut et fort. Mais des fois je me dis que j’aurais dû, que j’aurais dû exprimer mon désaccord, parce qu’il m’est légitime. Avant, c’était systématique chez moi : par exemple, dans un débat où se formaient deux groupes d’opinions contraires qui exposaient leurs avis, je n’allais pas faire entendre ma voix, même si j’avais quelque chose de potentiellement intéressant à dire. Aujourd’hui, maintenant que je comprends mieux certaines choses, j’essaie de corriger cette mauvaise habitude qui contribue à creuser le gouffre entre les deux « moi » dont tu parles. Je pense que le gouffre ne reste jamais le même, mais que sa profondeur est différente suivant les situations auxquelles on est confronté : pour moi, cette distance est plus grande lorsque je suis avec des inconnus, et se réduit plus ou moins en fonction de ma familiarité avec une personne. En fait, plus j’apprends à connaître une personne, plus je vais lui transmettre des informations sur ma personne, directement ou indirectement, et ces mêmes informations iront combler ce gouffre.


Nicolas : Je crois qu’on doit se comporter d’une certaine manière en société. Donc non, toutes ces facettes, font partie d’une seule et même personnalité, qui me compose. Ça peut sembler cynique de dire que j’accepte cette dualité, mais il ne faut pas mal le prendre. Ça n’aurait aucun sens de dire tout ce qu’on pense, parce que ça irait contre les principes de respect envers l’autre que l’on se doit de défendre.


As-tu la sensation que plus nous interagissons avec les autres, plus nous changeons ?


Naëlla : Oui. Il n’y a pas de doute. Mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Tout dépend de l’identité de « l’influenceur » et de sa personnalité. Si cette personne nous montre le « bon exemple », calque sur nous des valeurs positives, alors c’est forcément positif, ça nous est profitable et tant mieux qu’elle soit là. Je pense que quand tu es avec ce type de personne, tu peux aussi être changé en « profondeur ». C’est ce qui arrive aux personnes qui changent de religion ; pour que s’opère un tel changement, il faut que l’on ait été atteint «en profondeur ». Je trouve que, par rapport aux groupes d’influences qui enrôlent les jeunes : ils touchent leurs ambitions.


Nicolas : Ça peut arriver que le comportement des gens change. Certains d’entre nous ont des personnalités que je qualifierais de malléables. Moi, pour échapper à tout ça, je me garde une base de valeurs. Je pars du principe qu’en restant honnête et fidèle à ce que je suis au fond de moi, il m’est possible d’appliquer ce principe dans la vie de tous les jours, avec les autres. Il n’y a alors aucune raison pour qu’ils m’influencent dans le mauvais sens.


Pourquoi tu penses qu’il est important de se réconcilier avec soi-même, d’être « en surface » ce que tu es « en profondeur » ?


Naëlla : Je pense que c’est important, parce que je pense que nos interactions avec les autres ont suffisamment de pouvoir pour modeler le « je » intérieur, et qu’on peut finir par se perdre de vue. Quand tu es continuellement amené à interagir avec les autres, tu vas devoir faire preuve d’une certaine retenue, qui va te brider. Je pense que le fait de se brider à l’extérieur à long terme, ça va nous affecter intérieurement aussi, et ça peut jouer sur les problèmes de confiance en soi.


Quelles différences notes-tu entre les deux « toi » ? Comment se manifestent-elles ?


L. : Elles se manifestent dans beaucoup de domaines. La confiance en soi, par exemple. Je ne me compare avec personne quand je suis seule, ça n’est pas dans ma nature, mais avec les autres, je le fais constamment. Je me dis que j’ai trop de choses à leur envier, que je ne suis pas à la hauteur parfois. Je me dis qu’en fait je suis nulle, par rapport à eux, même si au fond je sais que chacun a son domaine de prédilection, des choses spécifiques dans lesquelles il excelle et d’autres où il galère.


Naëlla : C’est assez compliqué. La plupart du temps, la Naëlla qui est avec les autres va être plus tempérée, et moins crue dans ses propos. Quand je suis avec des amis proches, j’ai l’impression d’être pleinement moi-même, en tout cas il n'y a pas de différences frappantes entre les deux « moi ». Mais avec les autres, c’est une autre histoire. Aussi, lors d’une première rencontre, quand je sens que la personne en face de moi n’est pas à l’aise, je vais tout de suite me comporter le plus naturellement du monde pour la mettre à l’aise, parce que je vais essayer de la rassurer, que je peux comprendre sa détresse ; par contre, dans le cas contraire où je me retrouve confrontée à une personne un peu plus extravertie, un peu mieux dans ses basques, je me sens intimidée ; les rôles s’inversent, en un sens, et pourtant, je suis toujours la même à l’intérieur. C’est mon comportement qui, sans que j’y puisse quoique ce soit, se met à changer suivant les situations auxquelles je suis confrontée.


Nicolas : Je suis toujours honnête envers moi-même. J’ai la certitude que je n’ai rien à me reprocher. Donc, des différences, il y en a peu. A mon sens, il faut partir du principe que quand tu n’as rien à cacher, tu n’as rien à cacher aux autres. Par conséquent, dans mon cas, ça ne m’affecte pas ; je n’arrive pas à garder mes propres secrets, et le peu de secret que j’essaie de garder ne font pas long feu. Je suis en quelques sortes assez sociable, et ça fait que je cache difficilement mes sentiments à quelqu’un. Je pense que si tu es dans mon cas, il n’y a pas de raison de se comporter différemment en société, de ne pas être toi.


Penses-tu que cultiver le « je », en d’autres termes, explorer les différentes facettes qui composent notre personnalité, de les développer et de les assimiler pour être comme tu dis « honnête envers soi-même », passe avant toute chose ?


Nicolas : Bien sûr, bien sûr. Il faut se connaître soi-même d’abord, et après seulement viennent les autres.


Pourquoi ?


Nicolas : Parce qu’à mon sens, apprendre à se connaître, comprendre ce que tu attends de ton existence est très important. Dans une vie, on se fixe une multitude d’objectifs propres à chacun pour réussir dans x ou y domaines. Alors avoir une parfaite connaissance de soi, de ses préférences, des valeurs que l’on défend, ça aide à accomplir tes objectifs et à être épanoui. Je pense personnellement que ton corps et ton esprit sont comme un temple, qu’il faut entretenir régulièrement, un lieu de célébration. C’est seulement lorsqu’ on a conscience de qui on est, de ce qu’on aime et de ce qu’on aime moins, qu’un épanouissement de soi est possible. Et si je suis épanoui, je suis plutôt content. Ça peut déboucher sur des conversations que j’aurais avec d’autres gens, et rendre plus agréable le monde que nous partageons.


Que penses-tu de cette notion d’être heureux pour les autres ?


Nicolas : C’est aussi très important. Disons que si je suis satisfait de moi-même, je serais plus apte à rendre d’autres personnes heureuses. L’épanouissement de soi-même, c’est le socle de tout. Savoir ce que tu veux, et ne faire qu’un avec ton corps et ton esprit, c’est le plus important. Après tu peux te préoccuper d’autres choses.


Est-ce que tu es d’accord pour dire qu’un mauvais usage des réseaux sociaux peut creuser ce gouffre entre les deux moi dont je t’ai parlé ?


Nicolas : Bien sûr, bien sûr. Sur internet, on trouve beaucoup d’hypocrisie, de fausseté. On peut se le permettre parce qu’on est tous caché derrière nos écrans. Je n’aime pas les réseaux sociaux, personnellement, même si j’en utilise. J’ai téléchargé Instagram il y a un an, mais uniquement parce que ça me permettait de communiquer avec tous mes amis.


Tu n’utilises pas Instagram, Facebook et Twitter pour façonner une image et la soumettre à ton entourage direct ou indirect ?


Nicolas : Non. Non, non. Non, bah non, si je veux montrer une bonne image de moi-même à quelqu’un, c’est que j’ai envie de connaître cette personne. Je m’en fous de ce que les gens pensent de moi. Evidemment, c’est toujours important de montrer une bonne image de soi, sinon je m’habillerais n’importe comment…Mais je n’utilise pas Instagram pour plaire, pour m’inventer une vie, parce que les gens qui follow (=suivent) mon compte sont des personnes que je connais. Ils savent déjà ce qu’ils pensent de moi. Je sais qu’il y a énormément de personnes qui utilisent Instagram pour faire du fake (=faux), mais ça n’est pas du tout l’usage que j’en fais. Je suis contre les gens qui montrent leur vie de tous les jours sur Instagram, parce que personnellement, j’en ai rien à faire de leur vie. Moi, je prends des photos, par exemple des photos de pigeons, mais si je les ai mise sur Insta c’est parce que j’ai passé du temps à les monter, parce que je suis fier de ces photos ; ça me rappelle un truc que j’ai aimé faire. J’ai une seule photo de moi sur ma page. C’est un ami qui l’a prise, au Japon, alors qu’on passait une soirée géniale. C’est un souvenir qui me tient à cœur. Ce n’est pas pour me faire une pub, juste pour imprimer cet instant de ma vie dans ma mémoire.


Est-ce que tu ne penses pas que les réseaux sociaux sont néfastes en ce sens qu’ils nous donnent la possibilité de créer un personnage de toute pièce et d’ensuite le jouer en le calquant à notre « deuxième moi » ?


Lisa : J’en suis convaincue. Ça approfondit la distance entre la personne que tu es en apparence (en surface, en société) et la personne que tu es réellement. Je connais un tas de personnes qui sont pour ainsi dire « creuses », sans convictions qui leur sont propres, et qui diffusent des photos d’elles à la Gay Pride, par exemple, en mode « je défends le truc ! » mais elles sont là que pour le buzz, faut se le dire, pour avoir une story (= historique de la journée) à mettre.


Naëlla : Oui, je pense que ça peut arriver. Après, ce sont soit des manipulateurs, soit des personnes qui manquent vraiment de confiance en elles, qui procèdent de cette façon.


L. : Souvent quand tu utilises les réseaux, tu es seul et du coup ça peut être ton toi réel. Autant tu auras été un petit peu toi-même avec une personne sur les réseaux, autant quand tu vas la voir dans la vraie vie, elle ne va pas comprendre pourquoi tu n’es plus la même. Personnellement, je pense que je suis plus (+) moi-même sur les réseaux, parce que les citations que je mets sous mes publications, je les pense réellement. Elles sont le reflet de ma véritable personnalité. Les réseaux sociaux, c’est comme si c’était une sorte de couche qui me protège des autres. On a tendance à penser que les citations que tout le monde met sous les publications Instagram, ce n’est pas vrai. Il m’arrive de ne pas être moi-même avec les autres, parfois, et le seul moyen de me retrouver, c’est d’entretenir mes pages, qui me renvoient la personne que je suis vraiment.


L. soulève un point important – le cas que nous considérons à présent est celui sur un adolescent de notre tranche âge qui désire ardemment obtenir l’approbation de l’autre, ou du moins ne pas avoir à endurer son mépris. Quelqu’un comme toi et moi, en somme, même si c’est plus ou le moins le cas suivant la personne. A force de batailler dans ce but, on peut aisément finir par se perdre de vue, égarer certains aspects de notre personnalité sur la route, faire une croix sur d’autres parce qu’ils ne correspondent pas forcément aux attentes ou du moins, parce qu’ils ne nous permettent pas d’être à l’aise avec autrui ; et parfois, il apparaît nécessaire de trouver un endroit, une aire de jeux pour le « moi en profondeur », un lieu où, n’ayant de compte à rendre à personne, il lui est possible de s’exprimer librement. Pour certains, cet échappatoire sera l’art : le dessin, la musique… Pour d’autres, les réseaux sociaux endosseront ce rôle.


Mais il est en ton pouvoir de changer d’état d’esprit, même si ça n’est pas facile. Tu penses que si tu n'en avais vraiment rien à faire de ce que les autres peuvent penser de toi, tu serais plus heureuse ? Que ça changerait quelque chose, si tout le monde réalisait qu’on a tous les mêmes appréhensions, les mêmes angoisses, mais à des degrés d’intensité différents ?


L. : Non. Franchement, je ne pense pas. De toute manière, même si on s’en moque, il y aura toujours des personnes qui ont naturellement davantage confiance en elles que d’autres pour qui ce sera plus difficile de s’assumer, même si on leur dit tout le monde se remet en question. Je pense que la déception (engendrée par la constatation d’un jugement émis par son interlocuteur) parviendra à se frayer un chemin jusqu’à nous, quoiqu’il arrive.


A quel moment es-tu le plus toi-même : avec des inconnus ou avec tes proches ?


L. : Avec mes amis. Bah en fait le truc c’est que, avant d’être ami avec eux, j’ai déjà été quelqu’un de différent. Et plus je connais les gens, plus je vais être moi-même. Et puis, j’ai toujours peur d’être jugé quand je fais quelque chose. J’ai peur de voir le jugement dans le visage de la personne qui me fait face. C’est pour ça d’ailleurs que j’ai plus de facilité par message. Dans la réalité, j’appréhende toujours les réactions des autres, et je préfère me laisser le temps à la réflexion, voilà pourquoi je suis plus à l’aise derrière l’écran. Il me conforte dans ce besoin.


Est-ce que tu parviens à accepter l’existence de cet autre « toi », est-ce que tu es en paix avec toi-même ? Le perçois-tu comme une faiblesse, t’incommode-t-il ?


L. : Oui et non. Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Non, parce que c’est quand même une bonne chose pour moi, pour m’auto-protéger face à des souffrances (affectives) que je pourrais subir, et oui ça m’incommode, parce que je me prive d’être moi-même.


Naëlla : Ça dépend des jours, vraiment. Il y a des jours où je me dis que ce n’est pas si grave, que c’est normal de ne pas être à l’aise, de ne pas être toi h24, que ça va venir, que c’est une question de temps et de pratique. Et il y a des jours où je me dis "mince, pourquoi tu as peur de leurs regards, accepte-toi".


« […] c’est une question de temps et de pratique. » C’est un point que je voulais couvrir. Tout est une question de temps et de pratique. Quelle que soit la distance qui te sépare, toi, de la personne que perçoit ton entourage proche, peu importe qu’elle soit immense ou infime, il est en ton pouvoir de la réduire. C’est un travail de longue haleine, je te l’accorde ; et il est vrai que tu peux préférer conserver une relation privilégiée avec toi-même. Je dirais que, tant que ce gouffre ne t’asphyxie pas, n’affecte pas ta confiance en toi, ne t’atteint pas dans ton estime, tant que ça t’est profitable et que ça ne t’empêche pas d’aller ton chemin, tu peux très bien te passer de ce que je te raconte. Mais dans le cas où une telle dualité t’est insoutenable, te meurtrit de l’intérieur ou tout simplement, te tourmente, te perturbe, sache qu’elle n’est pas inéluctable et qu’à raison d’entrainement, il t’est possible de t’en défaire. Certes, il est dans la nature humaine d’être imparfait, mais ça n’est pas une raison pour sombrer dans un fatalisme stérile et assassin.


Il est important, pour ton développement personnel et pour le bien des autres, que tu te poses les bonnes questions. Elles doivent être les portes qui te donneront accès à la connaissance de soi. Elles doivent, pareilles aux réverbères qui bordent les chemins du monde, éclairer le tien, et te permettre d’avancer, encore et toujours plus loin.


FIN


Un grand merci à Nicolas, Naëlla, Lisa, Xiana, L., Léopold et Annah pour leur participation.

Recent Posts

See All

Comments


L'OEIL: Opinions et Expressions Innovantes des Lycéens

  • facebook

Lyon, France

@2020 par la présidente de l'OEIL

bottom of page